jeudi 22 novembre 2012

Des "communautés qui m'entourent?


Plus que les communautés elles mêmes, leurs objectifs ou leurs membres, ce sont les principes de fonctionnement qui les régissent qui ont attiré mon attention, et particulièrement les régimes de confidentialité et l’orientation des politiques d’échange du savoir. (Y’aurait-il un rapport avec l’économie de la connaissance mise en avant lors du sommet européen de Lisbonne en 2010 ?…)

         Ainsi, les communautés numériques apprenantes m’ont semblé correspondre à trois modèles caricaturaux de société:
- Les sociétés sécuritaires
- Les sociétés secrètes
- Les sociétés ouvertes

Dans le modèle sécuritaire, la notion de communauté apprenante correspondrait plutôt à une population apprenante régulée.

By Hannes Grobe  [CC-BY-SA-2.5 ],
 via Wikimedia Commons
La conservation du contrôle, la maîtrise des acteurs et des contenus apparaissent comme une priorité. C’est ainsi que les dispositifs de formation doivent répondre à une organisation stricte et structurée. Ces structures (même si des aménagements sont possibles) sont normées, les contenus proposés sont soumis à validation, le déroulement est surveillé, l’aspect de contrôle par l’évaluation imposé.



Cela peut répondre à des besoins de conformation efficace d’agents dans le sens de construction des qualifications nécessaires à la mise en application de règles imposées.
La confidentialité partielle n’est mise en œuvre que par souci de maîtrise du cadre législatif et économique attenant au contexte dans lequel évolue ladite communauté.
D’un point de vue « économique », le savoir est distribué verticalement à la population, en restant la propriété de l’institution. Il n’y a pas de "marchandisation du savoir", mais la diffusion hors de la communauté est limitée et l’échange entre les participants est peu valorisé.


       En réaction, au sein même de ce type de communauté, se forment des sociétés secrètes. Ces communautés fermées constituent un espace où des individus, se reconnaissant dans une identité de corps, peuvent «résister » au contrôle exercé par le système dont ils font partie. Le terme de résistance ne doit pas être ici entendu dans le sens d’action à l’encontre du système, mais plutôt de réaction individuelle pour accéder à une latitude, à un pouvoir de "pensée individuelle et divergente".
On peut alors légitimement se demander où se trouve l’aspect « apprenant » de ce type de communauté. 
Si on considère ces communautés comme des regroupements de personnes apprenantes, on peut supposer que les échanges en huis-clos qui s’y déroulent concernent des processus de formations.
            
            La confidentialité est la pierre angulaire de ce type de communauté :

By Dave&Lynne Slater

[CC-BY-2.0 ], 
via Wikimedia Commons
- Elle fonde son identité collective, un individu ne pouvant s’éloigner du courant de pensée du groupe sans risquer l’ostracisme.
- Elle ceint une « bulle » de liberté dans un espace ressenti comme contraignant, autorisant ainsi la constitution de lobbies qui viseraient à servir les intérêts de la communauté. Pour ce faire, il y est alors possible d’y constituer des groupes égo-hiérarchiques pouvant conduire des pratiques illégales (diffamation, trafics de savoir…).


          Cette confidentialité est aussi à l'origine de ses plus grandes limites:
- Elle restreint les bénéfices de formation aux seuls membres de la communauté, l’aspect secret des actions interdit aux travaux internes de nourrir tout courant réformateur qui pourrait rayonner hors de la communauté.
- Elle génère un espace autarcique qui limite grandement le champ réflexif individuel explorable.
- Cet espace peut induire une dérive de la construction professionnelle de ses membres vers une conformation aux valeurs identitaires du groupe.

Les politiques d’échanges de savoir en œuvre y sont d’ordre protectionniste et intéressé : le savoir produit, même s'il se nourrit du contexte extérieur, n’a pas vocation à être diffusé hors de la communauté (il peut donc s’émanciper grandement de considérations légales extérieures). Cette notion de savoir propriétaire laisse aussi la possibilité aux auteurs respectifs de monnayer leurs productions (à la seule condition de n’avoir employé aucun moyen illégal visible hors de la communauté).


Parallèlement à ces deux archétypes, se développent des communautés ouvertes basées sur l’autogestion. Les individus n’y sont soumis à aucune règle, si ce n’est la cordialité constructive des échanges. Fondées sur la constitution de « liens faibles » (ni hiérarchiques, ni identitaires), identité et affirmation de l’égo y sont accessoires. Il s’y mène une sorte de quête d’un bien commun, bénéfique équitablement à tous (imaginez une bande de hippies en quête d’un anneau dont ils refusent le pouvoir).
http://atom.smasher.org/streetparty/
L’anonymat peut être substitué à la confidentialité. Chacun s’y construit au vu et su de tous et au delà de la communauté, chacun y prélève à sa guise des retours réflexifs (témoignages d’expériences de vie au travail, commentaires et critiques bienveillantes).
Les échanges y sont désintéressés et majoritairement fondés sur la remise en question continue de savoirs communs (aucunement limité par un cadre communautaire ou marchand)

Les échanges de savoir produits dans ces conditions, bien qu'obligatoirement légaux, sont exposés au pillage (qui peut aussi être considéré comme le symptôme d’une diffusion efficace, pour peu que l’auteur soit cité). Ils ne peuvent donner lieux à monnayage, y compris hors de la communauté (sauf Copyfraud).
Il apparait donc primordial que la « balance d’échange de savoir entre la communauté et son milieu extérieur*, reste équilibrée (difficile à imaginer avant le basculement au Web2...)
*La notion de milieu extérieur, de par la structure constitutive de la communauté, relève de l’abstraction.

Bien entendu, ce type de fonctionnement comporte aussi des travers. Le plus évident serait un désordre apparent du fait qu’il incombe à chaque membre d’organiser ses ressources, son parcours dans la surabondance d’informations générée par le fonctionnement la communauté.
Un autre travers possible serait sa difficulté à afficher des objectifs quantifiables pour évaluer l’efficience du dispositif de formation ou la montée en compétence des membres (difficile donc d’utiliser ces communautés en tant que formation qualifiante).
Enfin, la validité des contenus peut être remise en cause de par la disparité d’expertise de leurs auteurs.
D’un point de vue humaniste, cela ressemble à l’actuation d’une utopie. Pourtant, on constate que ces communautés se délitent dans la durée et peuvent parfois peiner à se constituer.

Est-ce bien surprenant ?
Pour le délitement, une hypothèse probable serait la limite d’autonomie des membres face à la multitude (d’informations et d’interlocuteurs)
Pour les réticences d’adhésion, cela pourrait correspondre à une réaction sociale préexistante dans les communautés réelles (si quelqu’un a un autre terme que celui-ci, je suis preneur!) :
- L’état ou les institutions
- Les sectes, cercles familiaux ou amicaux
- Les communautés utopiques, les associations

On peut supposer que les résistances qu’un individu peut avoir à intégrer une communauté utopique proviennent du ressenti de déviance aux formes sociétales en place, tant celles-ci sont prégnantes.
Rien n’interdit pour autant d’appartenir simultanément à ces trois types de communauté.

Sont-elles, même, dissociables ?
Si l’on tient compte de leurs différents apports en termes de formation, elles peuvent même apparaître comme complémentaires :
- Les institutions régaliennes possèdent la maîtrise des formations qualifiantes
- Les groupes identitaires participent à la construction ou la conformation (avec notre consentement) de notre identité, qu’elle soit sociale ou professionnelle.
- Les associations construisent du lien social, favorisent les échanges informels de pratiques et ainsi participe à la construction de compétences, sans attente de qualification.

On se trouve en droit de se demander comment apprendre ? 
            En communauté certes, mais la ou lesquelles ?
Je serais bien en peine d’apporter une réponse, y compris en ce qui me concerne, mais un des éléments que je prendrais certainement en compte est la conviction qu’un récent débat national m’a laissé : Il est sans doute plus facile de se perdre que de se construire dans une quête d’identité.


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